jeudi 5 décembre 2013

Lucius Shepard - Le Dragon Griaule

Le Dragon Griaule, Lucius Shepard, 2011, 444 pages.

Après avoir lu maints avis positifs sur Le Dragon Griaule, et plus récemment maints avis positifs sur Le Calice du Dragon, il était tant que je me lance enfin à la découverte de Lucius Shepard et de son univers dragonesque.

Le Dragon Griaule est un recueil de 6 nouvelles ayant pour point commun ce fameux dragon. Mais Griaule n'est pas un personnage au sens premier du terme. En premier lieu, il est le paysage de ces récits. Pétrifié par un sorcier des siècles auparavant, la faune et la flore se sont emparées de lui pour le faire s'apparenter désormais à une chaîne de montagnes, avec son propre écosystème. Mais alors que son corps est mort, son esprit est lui bien vivant et influence les hommes qui vivent à proximité. C'est cette influence que l'on va découvrir à travers ces six histoires.

L'homme qui peignit le dragon Griaule est la nouvelle originelle à cet univers, et ça se sent. Plus courte que les autres, on y suit, comme prévu, un homme qui veut peindre le flanc du dragon, pour à la fois réaliser une oeuvre majestueuse et empoisonner la bête. L'histoire en elle-même est bonne, mais la structure du récit est un peu plus compliquée à appréhender. Diverses narrations s'entrecoupent et s'étalent sur une longue période chronologique, rendant la lecture un peu hachée. Une bonne entrée en matière tout de même, qui donne envie d'en lire plus sur cet intrigant univers.

La fille du chasseur d'écailles nous fait visiter l'intérieur du dragon et ce qui s'y est développé. Une novella qui permet d'explorer une facette étonnante du dragon et qui démontre concrètement son influence. J'ai eu du mal à accrocher à l'histoire en elle-même, un peu longue et inactive à mon goût.

Le Père des pierres est une novella qui se présente comme un polar. On y suit un avocat désillusionné chargé de défendre un meurtrier plaidant avoir agi sous l'influence du dragon. L'histoire est prenante et surprenante de bout en bout, et s'accommode parfaitement avec de nombreuses réflexions, notamment sur la justice et le libre-arbitre. Ma novella préférée du recueil.

La Maison du menteur présente une sorte d'histoire d'amour entre un homme et une dragonne. Je me souviens que j'ai aimé ce texte, mais je n'arrive pas à me souvenir pourquoi, si ce n'est qu'il y avait encore une fois, je crois, une bonne adéquation entre histoire et pensées.

L’Écaille de Taborin aurait aussi pu se nommer Bataille Royale sur Griaule. Des gens sont téléportés prisonniers sur le dragon et doivent survivre. Je dois avouer ne pas avoir compris ce texte, si ce n'est que la fin est une étape essentielle de la mythologie griaulienne, mais tombant un peu au hasard pour moi.

Le Crâne voit se déplacer l'action. On quitte la vallée de Carbonales pour se retrouver au Guatemala, à notre époque. J'ai failli ne pas finir cette novella tant le fait de revenir dans le monde moderne est un choc. En rupture totale avec les textes précédents, Lucius Shepard sert un texte très politisé, renouant avec l'enjeu initial de L'homme qui peignit le dragon Griaule. Le temps d'absorber la surprise pendant la première partie du texte, la seconde partie est sympathique.

Presque une nouvelle à part, la postface nous offre le regard de Lucius Shepard sur chaque texte, avec son contexte d'écriture et le but recherché. Très intéressant, on y découvrira notamment le premier récit sous un jour complètement différent.

Au final, malgré des textes qui ne m'ont pas tous complètement emballés, Le Dragon Griaule est un recueil exceptionnel, pour au moins trois raisons. Tout d'abord, l'univers créé autour du dragon est inédit et superbement bien décrit. Dans cette continuité, il faut saluer la plume de Lucius Shepard : les descriptions sont magistrales et le texte est aiguisé. Mais surtout il sait terminer ses histoires. Même sans chute étonnante, chaque page finale est ciselée pour finir en toute beauté. Enfin, et peut-être même surtout, Le Dragon Griaule offre de nombreux moments réflexions, avec le libre-arbitre et la question des influences au coeur de tout. Mais peut-être est-ce Griaule qui influence ces mots pour vous inciter à le lire, qui sait ?


Une participation de plus pour le JLNN

6 commentaires:

  1. Griaule est grand (oups pardon ça fait un peu secte je sais). J'ai un peu le même ressenti, c'est difficile de mettre le doigt sur ce qui fait l'attrait de ses textes, mais on ne peut pas nier qu'on tombe sous le charme ^^

    Tu vas poursuivre sur le Calice du coup ?

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  2. C'est exactement ça : je peux trouver des défauts, mais au final j'en garde un souvenir énorme. Et oui, je suis désormais obligé de lire Le Calice ^^

    Oh, et j'ai vraiment hésité à faire ma chronique comme un prêche pour la grandeur de Griaule... =X

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  3. Un sans foute pour moi ce recueil. Une de mes lectures marquantes de l'an dernier.

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  4. Je crois qu'elle m'a bien marqué aussi : depuis, je n'arrête pas d'invoquer la volonté de Griaule en tant qu'explication pour tout et n'importe quoi.

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  5. Si j'aime Les attracteurs, je lirai ton Grand Dragon Griaule

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    1. Les deux textes ont l'air bien différents des retours que je lis. J'espère donc bien que tu liras "Le Dragon Griaule" quoiqu'il arrive. =P

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