mardi 30 juillet 2013

K.J. Bishop - Aquaforte

Aquaforte, K.J. Bishop, 2003, 376 pages.

Dans ma chronique précédente, Le Diable chuchotait, j'ai dit que le hasard faisait parfois bien les choses. Peut-être aurez-vous noté la présence du "parfois", qui n'était pas là par hasard. Car parfois, le hasard ne fait pas bien les choses. Comme avec Aquaforte.

Tout commençait pourtant mieux que prévu, les personnages de Gwynn et Raule étant plus intéressants et moins antipathiques que prévu après lecture de la quatrième de couverture. On les suit se retrouvant et fuyant ensemble vers la ville-état d'Escorionte. Bien que le style d'écriture soit basé en très grande partie sur la description, avec peu de dialogues, c'est plutôt sympa, dans une ambiance un peu western. Puis ils arrivent à Escorionte. Et rien ne va plus.

Vous pensez que l'histoire va vraiment commencer ? Au contraire. Il y a bien 150 pages, si ce n'est 200, où il ne se passe rien. On suit nos deux personnages, mais ils n'ont aucun but, et ils ne leur arrivent pratiquement rien. On les regarde vivoter de-ci de-là, et voilà. Raule est assez rapidement mise en retrait, avec un semblant de petite histoire qui ne mènera à rien. Quant à Gwynn, il trouve une eau-forte (un tableau gravé à l'acide), représentée sur la couverture du livre (en gros, et si j'ai bien compris), et s'en va chercher la femme dont la tête est représentée par le sphinx. J'ai envie de dire que l'utilisation de la couverture est le bon point du livre, sauf que ce n'est pas l'originale... Donnons un bravo à l'Atalante.

En fait, le peu d'histoires qu'il y a sont basées sur des histoires d'amour. L'amour entre Gwynn et Beth la graveuse, assez bizarre, entre l'artiste et sa muse autant qu'entre le sphinx et le basilic. Une sorte de rencontre entre âmes soeurs, fusionnelle et dévorante. Et puis il ne faut pas oublier l'amour à sens unique d'un autre personnage masculin pour un autre personnage féminin (je vous laisse du suspense... ou alors je n'ai juste pas les noms là comme ça), qui lancera la dernière partie du livre, où il y a un peu plus d'actions. En tout cas, tant qu'à n'avoir pas apprécié ce livre, je peux au moins me réjouir de le voir intégrer le challenge de Vert MSO(SFFF)L (si si, vraiment, même Wikipédia le dit (en anglais, et mieux que moi) : « The Etched City is a fantasy about love, unexplainable magics, and exile. »).

Bon, je suis assez négatif, mais vous pouvez y trouver de bonnes choses. C'est un roman exigeant à la lecture, du fait de la prépondérance des descriptions, mais qui doit pouvoir créer une vraie atmosphère pour peu de rentrer dedans. Surtout, il y a un vrai travail de réflexion sur, entre autres, l'art, la magie, l'amour et la religion. Sauf que cela manque pour moi d'une histoire de fond, où il se passe quelque chose. Parce qu'écrire pour écrire c'est bien beau, c'est artistique, et c'est surement très intéressant, mais moi ça m'ennuie.

samedi 27 juillet 2013

Miyuki Miyabe - Le Diable chuchotait

Le Diable chuchotait, Miyuki Miyabe, 1989, 372 pages.

La lecture japonaise du mois de juillet, toujours dans le cadre du Challenge Écrivains Japonais d'Adalana. Ce mois-ci est consacré à Miyuki Miyabe, auteure de romans policiers. J'ai choisi Le Diable chuchotait absolument sans raison, si ce n'est peut-être le titre. Comme quoi, le hasard fait parfois bien les choses.

Je ne sais absolument pas comment commencer. Vous raconter l'histoire ? Compliqué... la quatrième de couverture le fera mieux que moi. Toujours est-il que l'on suit le jeune Mamoru. J'ai envie de vous dire qu'on le suit dans son enquête pour sortir son oncle de prison, mais j'ai peur de vous mettre sur une mauvaise voie de compréhension. On le suit, voilà tout. Et parmi tout ce qu'on va suivre avec lui, il y a une enquête concernant son oncle. Voilà, c'est plus correct.

Non, je ne suis pas pris d'une crise de folie dans le paragraphe précédent (pas plus que d'habitude tout du moins). Mais je trouve très dur de parler de ce livre. Je peux  vous dire que c'est un polar. Mais ne vous attendez pas à une grande enquête haute en couleur, avec son lot de rebondissements. C'est assez minimaliste. Presque gentil. Je dirais bien que cela sonne "japonais", mais je ne suis pas assez spécialiste pour généraliser ainsi. Quoiqu'il en soit, le fait est que cela reste très intéressant.

Mais résumer Le Diable chuchotait à une simple enquête d'un adolescent ne serait pas rendre honneur à ce livre. En effet, en suivant Mamoru, on suit de nombreuses petites histoires et de mystères en tout genre. Autant vous l'avouer, au début je ne comprenais pas vraiment l'intérêt de tout ça, ça me semblait un peu une perte de temps et quelque chose d'inutile. Et puis, à un moment, après presque les deux tiers du livre il me semble, j'ai compris. J'ai compris ce qui reliait toutes ces petites histoires dans l'histoire. Et je ne vais pas vous le dire, de peur de gâcher une part du mystère qui entoure ce roman. Mais j'ai trouvé ça magnifique, e très intelligent.

Ce n'est peut-être pas révolutionnaire dans ce que ça raconte, mais j'ai tout de même trouvé l'idée vraiment maline et les faits racontés intéressants. Surtout en se souvenant que le livre date de 1989. C'est globalement prenant, les pages se tournent toutes seules, et la fin est littéralement haletante. Laissez-vous piéger !

mercredi 24 juillet 2013

Antoine Tracqui - Point Zéro

Point Zéro, Antoine Tracqui, Tome 1/3 ?, 2013, 878 pages.

Une nouvelle fois, c'est grâce/à cause de Kissifrott, le Dévoreur de livres, que j'ai découvert Point Zéro, le premier roman d'Antoine Tracqui. Un énorme coup de coeur pour lui (et encore, "énorme" est peut-être réducteur...). Il a d'ailleurs réussi à en convaincre Lune et Cornwall, et pour elles aussi ce fut le coup de coeur. Comment dire... vous aussi vous sentez l'obligation de lire ce livre, et la pression qui en découle ?

Bon, je me lance et je vais le dire tout de suite : j'ai moins aimé qu'eux, ce n'est pas un énorme coup de coeur. Non, ne me tapez pas, s'il vous plait, je vais quand même en dire du bien ! Pour un premier roman, c'est extrêmement impressionnant. Près de 900 pages où l'intrigue est millimétrée, ce n'est pas donné à tout le monde. Mais ce que j'ai le plus aimé, c'est le côté historique/réalisme. Oui, c'est une fiction, et même de la science-fiction, mais tout est basé sur des faits réels. Que cela soit les événements, les théories, les objets (un avion est-il un objet ?), et même les personnages, on retrouve énormément de références à notre réalité et à notre Histoire et ses mystères. C'est à la fois fascinant et effrayant. Un grand chapeau en tout cas pour le travail de recherche et d'imagination pour tout intégrer en une théorie (parce que oui, pour moi ce livre est presque une théorie).

Il y a une comparaison qui m'a sauté aux yeux assez rapidement dans ma lecture : Power Plays. Tout d'abord dans la structure, avec un récit très cadré, avec changement de points de vue au bon moment, et des sous-chapitres commençant toujours par la date et l'heure (il manque le lieu pour être exactement comme dans Power Plays). Et puis comme dans la série de Tom Clancy/Jerome Preisler (selon le point de vue...), on a une histoire avec des implications géopolitiques, où un très riche et puissant Monsieur, dirigeant une organisation mondiale s'occupant d'un peu de tout, a sous ses ordres un groupe de personnes toutes plus fortes et invraisemblables les unes les autres, pour servir ses intérêts et le monde dans des situations toujours plus improbables et sanglantes (d'accord, c'est un peu très caricatural, mais ça colle parfaitement aux deux oeuvres). Je donne tout de même un avantage à Point Zéro pour les personnages qui m'ont paru plus vivants, et pour l'ambiance plus chaude (la série de Tom Clancy est assez froide dans mon souvenir). Précisons tout de même que j'aime bien Power Plays, c'est sympa dans son genre, un genre proche du blockbuster. Et c'est exactement ça : Point Zéro est un blockbuster, que j'imagine très bien adapté par Hollywood.

Sauf que, et c'est surement un contrecoup du côté blockbuster, il y a un moment où je n'y ai plus cru. Quand les héros passent 42 fois à un cheveu de la mort dans les 242 premières pages, j'arrête de me faire du souci pour eux ensuite. En fait, je dois avouer m'être un peu ennuyé par moment. Toute l'histoire est très détaillée, très minutée,... et finalement peut-être un peu trop. La partie en Arctique m'a semblé ne jamais vouloir finir... Vous ne pouvez imaginer mon soulagement quand j'ai vu apparaître la nouvelle partie et une nouvelle carte (parce que oui, point positif, il y a des cartes, et ça c'est le bien, même si je n'ai toujours pas trouvé le point n°4 de la légende de la deuxième carte...). Et je n'ai pas eu vraiment une très grande empathie pour les personnages, à l'exception de One-Shot. Enfin, sous réserve que ce ne soit pas moi qui l'ai ratée, c'est un détail mais il y a une petite explication qui me manque concernant une révélation (et pas une qu'on aura dans la suite à mon avis), mais je ne peux rien vous expliquer sous peine de vous spoiler.

Au final, malgré quelques longueurs et un aspect blockbuster américain (tiens, un point que j'ai oublié d'aborder, mais j'ai trouvé ça très américanisé) qui apporte quelques défauts, Point Zéro reste un bon livre, avec un bon titre (mystérieux tout en ayant du sens après lecture). Une mention spéciale pour l'utilisation de faits historiques troubles, qui donne de la profondeur à une intrigue tout-en-bourrin. Et puisqu'il y a un peu de mystère en suspens, j'attends la suite (puisque ce sera une trilogie, comme on l'apprend dans l'excellente interview d'Antoine Tracqui par Arieste, à lire ici).

dimanche 21 juillet 2013

Estelle Faye - Porcelaine : Légende du Tigre et de la Tisseuse

Porcelaine : Légende du Tigre et de la Tisseuse, Estelle Faye, 2013, 274 pages.

Il y a quelques mois déjà, Kissifrott, le Dévoreur de livres, m'avait fait découvrir Porcelaine. Intéressé, je m'étais dit qu'à l'occasion, il me faudrait le lire. Il faut bien l'avouer, la couverture est splendide et la quatrième de couverture intrigante. Pourtant, bien que Vert m'ait permis un rappel, il m'aura fallu un peu de temps avant de m'y mettre.

Ai-je eu un peu d'appréhension sur le "Où ?" et le "Quand ?" de cette histoire ? Peut-être. Mais n'en ayez pas, il n'y a pas de raison. L'action prend place en Chine. Que dire, hormis que c'est sympa et que ça change. C'est un territoire qui est à ma connaissance étonnamment peu utilisé (à l'exception de la littérature asiatique évidemment). On s'y habitue très bien, et cela n'est absolument pas dérangeant. Et n'ayez crainte, il n'y a pas des dizaines de noms chinois à mémoriser (y a t-il plus de 10 personnages déjà ?). Concernant le temporalité de l'action, il faut préciser une chose par rapport à la quatrième de couverture : l'histoire ne se déroule pas pendant quinze siècles. Non, elle se déroule pour une première partie au IIIème siècle, puis dans une seconde partie au XVIIIème siècle.

Porcelaine porte très bien son sous-titre, Légende du Tigre et de la Tisseuse. C'est vraiment ça, une légende, un conte. On entre dans une ambiance aux accents merveilleux et fantastiques. C'est calme et c'est beau. La magie elle-même n'est pas assénée violemment, mais par petites pointes, tout en douceur. Ce livre est à la fois reposant et dépaysant. A cela s'ajoute le fait de suivre une troupe de théâtre ambulante, un synonyme d'aventures en mouvement. Je ne saurais bien l'expliquer, mais vous aurez surement compris que l'élément essentiel pour moi de ce roman est l'atmosphère qui s'en dégage.

L'histoire en elle-même, sortie du contexte, est presque classique. Grossièrement, c'est un triangle amoureux, entre Xiao Chen, jeune homme-tigre, Brume-de-Rivière, fille-fée du IIIème siècle et Li Mei, tisseuse exceptionnelle du XVIIIème siècle, avec d'un côté un amour qui se crée petit à petit et de l'autre un amour qui tourne à la haine. On a un peu de tout (de l'amour se cherchant, de l'amour contrarié, de l'amour s'apprivoisant,...), mais ça n'est pas mielleux ou gnan-gnan. Tout est plus dans le non-dit et la subtilité, c'est à la fois central et en retrait. Du coup, ça passe plutôt bien. Un seul petit regret peut-être : la trop faible utilisation de la porcelaine, qui s'avère pourtant vitale. J'aurais bien vu ça avoir une place un peu plus importante (d'accord, j'avoue que j'avais imaginé quelque chose avec des inspirations du côté de La Mécanique du coeur de Mathias Malzieu).

Au final, bien que ce ne soit pas une histoire pleine d'actions et de rebondissements, pour ne pas dire aux accents sentimentaux, j'ai complètement accroché. J'ai été conquis par l'atmosphère de calme et de simplicité. J'ai eu l'impression de voyager et de m'évader. Que demander de plus ?

samedi 20 juillet 2013

Feux Divers #1 - Des challenges !

Wouhou ! C'est la fête !

Oui, c'est la première apparition de la rubrique "Feux Divers", qui, comme son nom l'indique, me permettra de parler d'un peu de tout ce qui peut concerner ce blog mais qui ne rentre pas dans les chroniques habituelles.

Bon d'accord, j'avoue, je ne sais pas vraiment ce qu'est le futur de cette rubrique. Mais j'en connais son présent, qui est aussi la raison de sa création : faire le point et présenter les challenges auxquels je participe.

Challenge Écrivains Japonais

Le Challenge Écrivains Japonais est organisé par Adalana. Le but en est simple : découvrir des auteurs japonais (comment ça vous l'aviez deviné ?), à raison d'un par mois. Commencé en janvier 2013, il a cours jusqu'à la fin de l'année.

Pour le moment, j'ai découvert 6 auteurs, avec des succès variés. Le septième est en cours, et je compte bien poursuivre l'aventure jusqu'au bout. Mes chroniques sont à retrouver ici.


Défi Jack Vance

Le Défi Jack Vance est organisé par Cornwall, avec une seule règle : lire du Jack Vance. Il a lieu du 28 juin au 28 décembre.

Je n'ai jamais lu cet auteur, malheureusement décédé cette année, et ce défi sera l'occasion de le découvrir. Je ne sais pas encore ce que je lirai, ni quand je le lirai, mais une chose est sûre : j'en lirai !


My Summer of (SFFF) Love

My Summer of (SFFF) Love, magnifiquement abrégé MSO(SFFF)L, est organisé par Vert. L'idée est de lire des romans sentimentaux dans le domaine de l'imaginaire. Il a lieu du 21 juin au 22 septembre.

Comment vous dire... ce n'est pas, à la base, mon genre favori. Pour ne pas dire que je n'en lis jamais, ou tout du moins pas volontairement. Et comme vampires et zombies ne sont pas mes plus grands amis, c'est pas gagné (oui, j'associe vampires et zombies avec amour mielleux). Mais que voulez-vous, le logo est joli et j'adorerai l'afficher en bas d'une de mes chroniques ! Et puis, suivre une idée un peu folle, c'est sympa.
Je viens de lire, un peu par hasard, un roman rentrant dans les critères de ce challenge. Je ne sais pas si d'autres lectures pourront suivre le même chemin, on verra bien. Une occasion de découvrir Twilight ?

vendredi 19 juillet 2013

China Miéville - Le Roi des Rats

Le Roi des Rats, China Miéville, 1998, 296 pages.

Je suis tenté depuis quelques temps par la lecture de Perdido Street Station, de China Miéville. Alors, en toute logique, je me suis mis à lire Le Roi des Rats, premier roman qu'il ait écrit. Comment ? Vous ne voyez pas la logique sous-jacente ? Moi non plus. Disons que mes précédentes expériences avec China Miéville ont toujours été particulières, et que j'avais envie de retenter un court roman avant d'oser entrer dans l'univers impressionnant de Bas-Lag.

Malheur à moi. Avant j'hésitais. Maintenant j'ai carrément peur de tenter le coup. Parce qu'une nouvelle fois, c'est une lecture en demi-teinte, voir en quart de teinte. Pourtant, l'ambiance semblait prometteuse : une fantasy urbaine dans un Londres où les bas-fonds ne sont peut-être pas comme on les imaginait. Permettez-moi de ne même pas évoquer une possible comparaison avec Neverwhere. C'est d'autant plus dommage que l'idée de base est géniale : revisiter/proposer une suite à l'histoire du Joueur de flûte de Hamelin.

Je ne suis jamais rentré dans l'histoire. Et le début n'a pas aidé. Une nouvelle fois, je dois peut-être en vouloir à mon côté rationnel, mais je n'ai rien compris à ces histoires de mélanges entre homme et rat. Parce que bon, dans ce que j'ai lu, le Roi des Rats est un homme, qui commande aux rats. Et il a des capacités de rat. Sauf que je suis certain d'avoir aussi compris qu'avant il était un rat. Et dans tout ça, le personnage principal arrive, doute pendant cinq minutes, et finalement trouve ça totalement normal et apprend à son tour à devenir un homme-rat. Euh... pardon, mais non.

Au niveau de l'ambiance, c'est très noir. Et c'est drum'n'bass, comme l'explique China Miéville dans sa préface. De là à dire que, n'étant pas vraiment fan de ce style, c'était mal embarqué... Je ne vais pas m'éterniser plus, il n'y a pas d'intérêt à vous en dégoûter. Je n'ai pas accroché au concept d'hommes-rats, ni eu d'empathie pour les personnages. Ça se lit tout de même, mais sans véritable plaisir pour ma part. Dommage, l'idée était bonne.

mercredi 17 juillet 2013

Thomas Day - Le Trône d'ébène

Le Trône d'ébène, Thomas Day, 2007, 275 pages.

Je dois avouer avoir un peu hésité avant de commencer ce livre. C'est bête, mais j'avais de l'appréhension sur une histoire concernant les Zoulous. Sans racisme, c'est juste pas commun. Et ce qui est différent fait toujours un peu peur. Avant évidemment de se rendre compte que c'est tout bonnement génial.

Ce que j'ai aimé en premier, c'est la préface de Thomas Day. Déjà parce que j'ai toujours aimé avoir l'auteur m'expliquer quelques secrets de fabrication du livre, et rajouter ce qu'il a envie de rajouter. Et même si j'ai tendance à préférer les postfaces, cette préface est parfaite pour rentrer dans Le Trône d'ébène, en nous expliquant clairement ce à quoi on va avoir droit.

Alors, à quoi allons-nous avoir droit ? A l'histoire de Chaka, personnage historique du XIXème siècle, ayant créé et unifié l'empire zoulou (dans le sud de l'Afrique). Pour plusieurs raisons, comme une petite part de magie, c'est une Histoire romancée que nous livre Thomas Day. Néanmoins, c'est quasiment un véritable roman historique. Mais en beaucoup moins ennuyant qu'un cours d'Histoire.

Le récit est complètement prenant. On suit à la fois la création de la nation zouloue, mais surtout l'ascension de Chaka, personnage exceptionnel en tout point de vue. Ce qui est frappant (hormis sa lance), c'est son évolution, de petit enfant battu à chef sanguinaire tombant dans la folie. Bien que le chemin soit semé de batailles et de morts, la lecture reste plaisante, Thomas Day n'en rajoutant pas dans l'effusion de sang et l'horreur de la guerre. Bon, ce n'est pas la cour de récré pour autant (je ne suis toujours pas remis des scarifications...), mais il y a une certaine distance dans la façon de raconter qui est appréciable.

Au final, c'est une lecture vraiment étonnante, sur un territoire si peu exploité. Une histoire réelle avec un soupçon de mythes et légendes. L'histoire d'un peuple et l'histoire d'un homme.
« Nous, Zoulous ! avons une prophétie, mais à la nuit tombée, nous ne sommes jamais d’accord sur le choix que doit faire l’enfant d’exception qui, depuis si longtemps, nous est annoncé : des cris peuvent jaillir, des coups peuvent fuser, car pour le guerrier la gloire est plus importante que le bonheur, car pour le peuple le bonheur est plus important que la gloire. »

samedi 13 juillet 2013

Greg Costikyan - $pace O.P.A.

$pace O.P.A., Greg Costikyan, 2000, 332 pages.

J'ai lu ce livre un peu (beaucoup) par hasard. Enfin, pas tout à fait par hasard : j'ai complètement flashé sur le titre, $pace O.P.A.. Avouez-le, n'est-il pas génial ? Un grand bravo au traducteur pour cette perle de jeu de mot, qui est complètement raccord avec l'histoire, et à mon goût même meilleur que l'intraduisible titre VO : First Contract.

Le titre vous semble drôle ? C'est parfait, parce que c'est dans l'esprit du livre. C'est déjanté, c'est loufoque, et il y a de bons moments de rire (oh, la scène des options du salon !). Pourtant, ce n'était pas gagné, avec un thème hautement économique. Mais tout est bien proportionné. Les quelques scènes plus centrées sur l'économie pure et plus compliquées sont bien amenées, et toujours entourées d'humour. De quoi apprendre en se divertissant.

L'histoire en elle-même se divise en deux parties. La première nous raconte l'arrivée des extraterrestres sur Terre. Mais pas de grande bataille stellaire. Non, les extraterrestres sont pacifiques, prêts à apprendre leurs technologies aux humains. Ils sont surtout de fervents capitalistes. On suit toute l'histoire par les yeux de Johnson Mukerjii, PDG humain, pour qui les choses vont mal tourner. Cette première partie est vraiment top : on vit les choses à la fois au niveau de notre personnage principal, mais on a aussi un aperçu plus global de la situation et de comment la planète réagit. Et surtout, c'est une belle satyre de notre système.

La deuxième partie narre les efforts de Mukerjii pour reprendre le pouvoir économique aux extraterrestres. C'est sympathique et drôle, mais malheureusement on perd le niveau de compréhension plus large. C'est dommage, c'était selon moi une grande force du début. D'autant plus qu'il y a un petit coup de mou dans la transition entre les deux parties. Néanmoins, cela reste une belle épopée, qui s'achève... qui s'achève très bizarrement. S'achève t-elle vraiment d'ailleurs ? Tout est présent pour une suite, mais je n'ai rien lu la concernant.

Au final, c'est une belle surprise que ce livre. Un livre en deux temps, avec une première partie excellente en tous points, et une seconde phase sympathique, bien que plus dans l'aventure pure. Il ne manque pas grand chose pour que cela soit un vraiment très bon livre. Cela n'en reste pas moins un livre à lire !

mardi 9 juillet 2013

Christopher Priest - La Séparation

La Séparation, Christopher Priest, 2002, 455 pages.

J'avais lu la chronique d'AcrO il y a quelques temps, ainsi que quelques autres par-ci par-là. Alors, malgré la référence au Maître du Haut Château qui me faisait un peu peur, je me suis lancé. Et la comparaison avec l'oeuvre de Philip K. Dick est justifié. Malheureusement pour moi, qui en garde quelques réticences.

Tout d'abord, il me faut parler de la structure du récit. Tout commence en 1999, avec Stuart Gratton, historien et auteur, qui s'intéresse à un dénommé Sawyer qui aurait eu un impact pendant la seconde guerre mondiale. Le roman comporte deux petites parties avec Stuart Gratton, qui permettent d'introduire et de justifier la présence des autres éléments du récit, qui sont des mémoires et des extraits d'autres livres. C'est très intelligent, car ça donne un véritable liant à l'ensemble. Je ne pense pas que cela fonctionnerait aussi bien sans cela.

L'histoire en elle-même se déroule entre 1936 et 1945. Sur fond de seconde guerre mondiale donc. Plus que sur fond d'ailleurs. L'ensemble du livre apparaît véritablement comme un roman historique, très bien documenté. C'est vraiment troublant, surtout quand de petites distorsions viennent s'insérer dans l'Histoire (avec son lot de remises en question : "hum, j'ai trop dormi en cours d'Histoire ?"). On se retrouve dans une uchronie.

Uchronie ? Ou uchronies ? Je ne saurais pas répondre. C'est un flou permanent qui se déroule devant nous, avec de nombreux éléments contradictoires, apportés par les différentes sources que nous pouvons être amenés à lire. D'un côté, j'ai bien aimé ce doute qu'apporte l'auteur, qui porte à réfléchir sur ce qu'est la réalité ou comment les choses peuvent facilement basculer.

Mais d'un autre côté, j'ai un problème : il me manque quelque chose sur quoi me reposer une fois le livre terminé. Je ne demande pas une solution complète et détaillée du problème, mais au moins une petite idée. Un problème de rationalisation de ma part j'en conviens. Le flou permanent est un peu trop permanent. De plus, alors que d'autres l'ont célébrée, je n'ai absolument pas aimé la fin. Ou tout du moins ce que j'en ai compris, puisque je veux bien supposer ne pas avoir tout saisi.

Au final, c'est un avis mitigé. La structure et les idées développées sont superbes (et je ne suis pas entré plus en détail sur le concept de séparation, qui est exprimé de multiples manières), mais j'ai un goût d'inachevé en bouche. Un soupçon de "au final, tout ça pour quoi ?". Je veux bien croire que cela vienne de moi, alors n'hésitez pas à le tenter !

vendredi 5 juillet 2013

Scott Lynch - Les Mensonges de Locke Lamora

Les Mensonges de Locke Lamora, Scott Lynch, Tome 1/7 des Salauds Gentilshommes, 2006, 552 pages.

J'avais grossièrement entendu parler des Mensonges de Locke Lamora. D'abord parce qu'il est multi-primé. Et surtout parce que Le Dévoreur de Livres semblait dithyrambique à son sujet (et au vu de la justesse de cet avis, comme à son habitude, il faut vraiment que je me penche sur Rothfuss et Jaworski...). Mais, pour mon plus grand malheur, je n'étais pas parti tout de suite à la rencontre des contrées de Camorr. A mon plus grand malheur oui, de n'avoir pas pu découvrir plus tôt ce chef d'oeuvre !

Ce livre est absolument tout ce que j'aime, et me rappelle (il n'y en avait pas vraiment besoin, mais c'est toujours bien de se conforter dans ses bases) pourquoi mon genre préféré est assurément la fantasy. Tout commence par une carte de Camorr, ville-état où se déroule l'action. Et moi, j'aime bien les cartes, parce que ça donne directement le ton et ça nous fait voyager. Ça ne vous suffit pas, c'est un peu juste pour faire un bon roman ? Bonne nouvelle, ce n'est pas tout !

Dans une ambiance médiévale vénitienne, on fait la connaissance de Locke Lamora et de ses amis. Ils forment une bande de voleurs d'aspect médiocre et de bas étage, mais qui s'avère être en vérité une troupe de haut vol, la plus exceptionnelle de la ville. Intelligents, rusés et truqueurs, ils n'ont absolument rien à envier à un Arsène Lupin. Et je parle en tant que fan d'Arsène Lupin.

Que peut-on espérer d'un premier tome ? De découvrir les personnages et de suivre quelques péripéties de base ? C'est le cas dans la première partie. Mais pas besoin d'attendre le deuxième ouvrage pour voir l'intrigue prendre de l'ampleur. Non, Scott Lynch nous livre directement un scénario grandiose, aux multiples rebondissements, où tout est possible (enfin, on est au plus près possible du "tout est possible"). Que celui qui n'a pas eu au moins plusieurs grandes surprises me jette le premier clavier !

Il me faut rapidement évoquer le style de Scott Lynch. J'ai trouvé ça fluide, avec une bon équilibre entre actions, descriptions et dialogues. La structure du récit est un peu surprenante au départ : on passe d'un chapitre concernant le présent à un autre nous racontant la jeunesse de la bande. Mais c'est finalement sympathique, ça donne un rebond permanent et du rythme. Et cela permet à l'auteur de nous offrir seulement les informations qu'il veut pour le moment. Allez, si on veut chipoter, c'est peut-être le seul petit point négatif :  on connait rapidement un élément qui servira de future intrigue. Mais on peut aussi voir ça comme un grand teasing.

Vous l'aurez compris, Les Mensonges de Locke Lamora est un superbe livre, rempli de tout ce qu'on peut attendre d'un bon livre de fantasy : des rebondissements, de l'action, des personnages sympathiques et intelligents, un nouvel univers à explorer, une pointe de magie,... Premier tome sur les sept prévus de la série des Salauds Gentilshommes, je suis anxieux pour la suite, tant cette entrée en matière est de haut niveau !

mardi 2 juillet 2013

Jean Ray - Malpertuis

Malpertuis, Jean Ray, 1943, 256 pages.

Grâce au Naufragé Volontaire, j'ai découvert une chose étonnante : les belges ne font pas que des bandes dessinées ! Bon, d'accord, je m'en doutais un petit peu, mais quand même... Il me faut avouer que je n'avais jamais entendu parler de Jean Ray. C'est désormais chose faite, avec la découverte de Malpertuis, dont la chronique de Julien avait laissé planer le mystère et l'envie d'en savoir plus.

Autant le dire tout de suite, je n'ai pas été autant emballé que lui. Tout tient sur le mystère, sur le fait de comprendre ce qui se passe. Sauf que j'ai assez rapidement compris de quoi il s'agissait... Je ne saurais vraiment expliquer pourquoi, si ce n'est la lecture d'un autre livre utilisant un principe proche (et je ne peux en dire plus pour vous préserver votre suspense). Dans tous les cas, cela m'a un peu gâché cette aspect du roman.

Mais tout n'est pas négatif. Bien que j'ai préféré la seconde partie à la première, je dois reconnaître que Jean Ray parvient à créer dans la demeure de Malpertuis une ambiance toute particulière. Sombre indéniablement, avec quelques pointes d'oppression et de peur. Mais ce n'est jamais dans l'excès, c'est tout en maîtrise, et cela reste plaisant à lire. Je ne sais pas si c'est possible, mais c'est une atmosphère qui dégage une aura. Ajoutez à cela le côté fantastique, et c'est un livre qui m'a fait penser au Horla de Maupassant (ça m'a donné envie de le relire en fait...).

Au final, c'est une lecture en demi-teinte, de par le mystère rapidement éventé. Néanmoins, l'ambiance et la structure du récit me permettent d'en garder une bonne impression. Je ne peux que vous conseiller de tenter l'aventure, pour découvrir les mystères de Malpertuis.